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Par jean--marie le 30 Juin 2012 à 12:00
J'ai rédigé ce petit texte il y a quelque temps...
Une histoire vraie.
récemment le petit écran présentait un film d'Yves Boisset, L'Affaire Salengro
Ce ne sont ni les personnages historiques ni le contexte politique qui m'intéressent ici...
Je n'y vois qu'un homme se débattant désespérément dans des filets dont il ne pourra jamais se libérer...
Bien sûr, il y a un Maître qui a écrit sur un sujet un peu semblable et infiniment mieux que moi...
Relisez donc le conte de Guy de Maupassant "La ficelle"...
Fabien, un modeste employé, avait réussi à devenir maire d’une petite commune...
On disait en général de lui que c'était un brave homme. Apparemment bon vivant, jouisseur, chaleureux, "grande gueule", sympathique... vu de loin... Comme beaucoup de ces méridionaux, grands buveurs de pastis, de gnole... amateurs de corridas (pas de l'élégante bouvine, mais de l'autre, l'orgie sanglante, admirateurs du "travail" des picadors), de chasse, de pétanque, de foot et de prostituées... et éventuellement de torgnoles pour bobonne, de coups de pied au cul pour les gosses... Et bien sûr se disant de gauche. Avec ça d'un racisme particulièrement féroce et stupide mais qu'il savait dissimuler pour la bonne cause... Grand ami et agent électoral du député du coin... de la même vague couleur évidemment.
Une caricature ? non, la triste réalité... Le soleil est souvent un "cache-misère". Misère intellectuelle des véritables voyous. La honte dans un paysage riant... La haine sous un aspect bon enfant et généreux...
Histoire politique ? Je n'y suis pour rien, je n'invente rien. Il jouissait naturellement d’une certaine notoriété dans les environs. On le craignait ; personne n’osait lui faire le moindre reproche ; on le flattait en toute occasion.
Jacques, un de "ses" conseillers municipaux, après avoir beaucoup réfléchi, fatigué d'assister à des magouilles dignes d'un Topaze analphabète décida de quitter la majorité et de rejoindre l’opposition (de droite, disaient les imbéciles qui n'y connaissaient absolument rien et se gargarisaient de mots et de vagues notions puisés dans les médias...) Fabien l'avait entraîné, bien malgré lui dans une galère qu'il supportait de plus en plus difficilement... Pas question de démissionner car en quelques rares occasions il avait l'impression de faire oeuvre utile.
"Traître", "fasciste" (peu de monde savait dans le village ce que cela voulait dire exactement et certainement pas ce gros balourd de Fabien...) Jacques avait commis un crime de lèse-majesté... En réalité, la politique ne l'avait jamais vraiment intéressé.
Les deux hommes travaillaient dans la même entreprise.
Fabien qui, entre autres défauts se révélait incompétent dans son boulot (mais intouchable, bien sûr), bizarrement, s’était vu confier une tâche assez importante qu’il repoussait depuis longtemps et était incapable de mener à bien, un compte-rendu à remettre très vite, sans aucune possibilité de retarder encore l’échéance… Sa vantardise l'avait mis en mauvaise posture.
D’habitude Jacques l’aidait.
Fabien, dans ce contexte très tendu n’osa pas aller jusqu'à demander à son ancien "nègre" de lui apporter son aide… Coincé, il ourdit un véritable complot. Il avait l'intelligence de la méchanceté. Soutenu par quelques collègues sous influence, il imagina un scénario qui fonctionna à merveille : il prétendit avoir rédigé le rapport et constaté ensuite la disparition de ce document.
La rivalité entre les deux hommes était désormais connue de tout le monde, même des responsables de l'entreprise... Jacques, personnage jusque là assez effacé, que l'on croyait distant, n'inspirait guère la sympathie.
Certains "témoins" affirmèrent qu’ils avaient vu Jacques emporter ce qui ressemblait à un dossier. Ils n’étaient pas intervenus car, dirent-ils, ils en ignoraient la nature...L'enquête fut bâclée et l'on ne retrouva rien… mais la calomnie avait accompli son oeuvre...
Jacques eut beau protester, nier, il perdit son emploi… Peu nombreux furent ceux qui, convaincus de son honnêteté et de sa bonne foi en cette affaire, osèrent aller ouvertement à l'encontre de l'opinion quasi-générale. De timides protestations restèrent sans effet.
L'affaire était entendue.
Isolé, désespéré, il mit fin à ses jours.
Fabien fut comblé, honoré, Dieu merci… Il resta employé et maire.
Et pour tout le village ce fut le silence et l'oubli....
L'omerta...
Allégorie de la Renommée - Nancy
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