• pris1

    des faits récents m'ont remis en mémoire cette histoire ancienne
    ...authentique en tous points

          Ils avaient entre 16 et 22 ans. Un groupe d’une douzaine de copains d’origines et de caractères divers mais dans l’ensemble solidaires… Des copains qui aimaient se retrouver et faire la fête, une fête parfois dérangeante pour le voisinage… Les ressources de leurs familles étaient plutôt modestes… Pour toutes ces raisons, ils n’avaient pas très bonne réputation dans la petite ville.
        Ils étaient apprentis, ouvriers, fils de petits commerçants et d’artisans, trois ou quatre encore lycéens ou étudiants. Quelques filles se joignaient à la bande en de rares occasions. Ils avaient plusieurs fois essayé de trouver un local pour se réunir, mais sans succès. Les arrière-salles d’un ou deux cafés en tenaient lieu.
        Dans la région les divertissements n’étaient pas nombreux… Les fêtes de village ou d'associations, les kermesses, quelques « dancings » dans la sous-préfecture distante d’une trentaine de kilomètres... En se cotisant on arrivait parfois à louer une voiture, les plus âgés avaient le permis de conduire.
    Le cinéma était leur principale distraction.
    Trois salles concurrentes se partageaient un public assez restreint. La première séance avait lieu le mercredi soir.
        Ce mercredi soir, ils s’étaient donné rendez-vous au Café du Commerce, "chez Roger", vers huit heures, pour boire un coup et faire quelques parties de belote en attendant l’heure du film. Ils n’étaient guère intéressés par le documentaire et les actualités diffusés en première partie. Ils arrivaient à l’entracte et souvent, certains d’entre eux parvenaient à se faufiler dans la salle sans passer par la caisse…
        Comme d’habitude, après la séance, les cafés étant fermés, ils erraient dans les rues, discutant de tout et de n’importe quoi. Ils n’avaient pas envie de se séparer…
        La nuit était douce en cette fin du mois de juin. Ils vagabondèrent jusqu’à deux heures du matin. Ils savaient que dans quelques heures, le réveil serait dur, que les parents ne seraient pas tendres, que les reproches seraient nombreux…
        Le jeudi toute la bande fut convoquée à la gendarmerie. Il n’était pas très difficile de les rassembler. Ils apprirent bientôt la raison de cette convocation : pendant la nuit, un vol avait été commis au « grand » magasin récemment installé près de la poste… un « Prisunic » ou « Monoprix »  quelconque… Une somme d’un million et demi de francs avait disparu, quelque chose d'important à cette époque lointaine même s’il ne s’agissait que "d’anciens francs", quinze mille centimes du franc d’avant la monnaie européenne, une somme dérisoire aujourd'hui...
        Le groupe fut évidemment soupçonné, d’autant plus que l’un des copains entretenait des relations avec une vendeuse du magasin.


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        Pendant une semaine, chacun fut soumis à des interrogatoires de plus en rudes. Qu’avait-il fait cette nuit-là ? On ne se gêna pas avec eux. Ils furent quelque peu bousculés. Personne ne prit leur défense. Devant la conviction apparente des accusateurs, les parents, de petites gens, accablés, étaient totalement désarmés…C’est à peine si certains purent préciser l’heure de retour de leur fils… Les jeunes durent raconter très en détail les parties de cartes, le film… Ils avaient des témoins pour le début de la nuit mais pas pour le reste…
        La feuille de chou locale se fit, naturellement, l’écho de cette affaire et le pisse-copie de service laissait entendre que quelques voyous bien connus allaient être inculpés très prochainement… Pas de risques pour lui, avec ces "gens-là", il pouvait tout se permettre...
      Les interrogatoires reprirent la semaine suivante, accompagnés de toute sorte de menaces, de vexations, interpellations publiques, confidences malveillantes glissées aux chroniqueurs du cru... Les bonnes âmes se disaient écoeurées par ces voyous, à grand renfort de "Je vous l'avais bien dit...".
    La rumeur parlait déjà de bande organisée.




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        Puis, soudain, tout s’arrêta. Plus de gendarmes à la maison, plus de convocation, plus rien. Les semaines passèrent. Personne ne voulut fournir le moindre renseignement aux familles ou aux amis ni bien sûr aux suspects. Un jour quelqu’un prétendit connaître une grande nouvelle : le directeur du magasin venait d’être muté.
    Puis le bruit courut qu’il était l’auteur du vol. Aucune confirmation jusqu’à la parution, plusieurs mois plus tard, d’un modeste entrefilet annonçant la condamnation, fort légère, du personnage. Peu de bruit, l’oubli était passé par là…
        A la rentrée scolaire suivante, l’un des jeunes ne fut pas repris dans l’établissement d’enseignement privé qu’il fréquentait.


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