• Petits dommages collatéraux - JM dans ses petits souliers...





    J'ai annoncé que, sous cette rubrique, je raconterai  de petites histoires en marge de mes anciennes activités pédagogiques.

    Je le fais au fur et à mesure que ces anecdotes sans grande importance me reviennent en mémoire.

    Celle d'aujourd'hui vous paraîtra peut-être difficile à croire mais je vous assure qu'elle est absolument véridique.



    Professeur au Lycée professonnel de P., JM  participait depuis plusieurs semaines à une action de «  Formation Continue » pour adultes  qui le passionnait... Ces actions étaient progressivement mises en place depuis peu de temps. C'était une façon de travailler bien différente du train-train scolaire quotidien et JM fut conquis dès le début...

    Les enseignants étaient volontaires et exerçaient, en plus des heures de cours dues aux élèves du Lycée, dans des salles ou des ateliers du même établissement... Il faut reconnaître que la rémunération de ce travail supplémentaire était très intéressante...

    La Formation en question concernait un groupe d'une quinzaine d'ouvrières d'entreprises de confection qui venaient d'être licenciées...

    On appelait alors cela, semble-t-il, « stage de reconversion », un stage  étalé sur quatre ou cinq  mois...

    Les stagiaires étaient des femmes d'âges divers mais jeunes pour la plupart. Elles venaient suivre des cours d'enseignement général, Français et législation du travail (matières dont se chargeait JM), et mathématiques. Il y avait aussi des cours de couture et de technologie car, ayant travaillé jusque là "à la chaîne", elles n'avaient jamais eu de véritable formation professionnelle.
    JM habitait à la campagne, à 25 km de P. Une demi-heure de mauvaise route...

    Le matin, il fallait se lever tôt, se préparer, préparer les gosses en bas âge, les conduire chez  la nounou. A  sept heures vingt au plus tard, on devait avoir quitté le village pour être sûrs d'arriver à huit heures au Lycée.

    Précipation, confusion, tension même parfois entre sa femme et lui...

    Ce jour là, on était au début du printemps, JM n'avait pas la grande forme... Il doit reconnaître qu'il n'a jamais été vraiment un homme « du matin »...

    Il allait recevoir les stagiaires de huit heures à 9h30...

    Un peu de récréation et de dix heures  à midi, c'était au tour des élèves de la formation initiale, CAP, BEP...

    JM se sentait un peu bizarre... en traversant la cour pour rejoindre la salle de classe il eut l'étrange impression d'être un peu en déséquilibre...
    Le cours se déroulait normalement, JM, à son habitude, restait très peu assis au bureau et parcourait les allées tout en discourant...

    Toujours la même impression de flottement...incompréhensible...


    Incompréhensible jusqu'au moment où il regarde ses pieds...

    Incroyable ! au  pied gauche il y a une chaussure « habillée », classique et au pied droit un genre de mocassin léger, avec un tout petit talon !




    Les mocassins sont faciles à enfiler, même dans la demi-obscurité,

    Les chaussures « normales », JM les choisissait toujours d'une pointure plus grandes  que nécessaire afin de ne pas avoir à les délacer...
    Notre ami,  rouge de honte, au grand étonnement des stagiaires se précipite à son bureau, s'assied et ne bouge plus jusqu'à la fin du cours...  Grâce à la planche de  façade du meuble, les pieds sont invisibles... Il se retourne à peine, sans se lever de sa chaise, pour écrire de temps en temps un mot au tableau.

    Pas question de descendre prendre un café ni de rencontrer les collègues... Le Conseiller d'Education fera monter les élèves... Elèves ahuris qui verront un prof quasiment immobile pendant près de deux heures... 

    Et particulièrement hargneux...

    Quand, à midi moins cinq, la salle et les couloirs sont vides, JM se décide à bouger et affronter... l'adversité...

    Il descend, pénètre dans le bureau du Conseiller d'Education et dévoile la vérité... et ses chaussures !

    Ebahissement et grand éclat de rire. Le Conseiller l'accompagne jusqu'à la salle des profs et là, c'est un véritable triomphe !






    Entre midi et la reprise des cours, il regagne sa campagne et change, bien sûr, de chaussures.


    Cette histoire valut à JM dans la ville (une petite ville) et le département (un petit département) une célébrité dont il se serait fort bien passé...





    Etude par Gustave Moreau (1826 - 1898)




    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :