• Petits dommages collatéraux...









    J'ai déjà raconté nombre de faits importants de ma carrière de prof...
    Je n'ai pas l'intention de rabâcher sans fin les mêmes anecdotes.
    Mais JM, votre serviteur à peine déguisé, a connu quelques petits événements un peu en marge de son activité pédagogique puis administrative...
    Il a fait des bêtises, a connu des moments de honte ou de panique...
    Et de fierté quelquefois, rarement, mais ce sont des moments délicieux dans une vie...
    Il m'en revient en mémoire de plus en plus fréquemment...
    Je vais essayer de raconter quelques-unes de ces mésaventures sans grande importance, sans souci de chronologie.
    Je dirai "'je", je dirai "il", (lui JM...) en fonction de l'histoire et de l'humeur du jour

    Je vais commencer par quelque chose d'un peu... "osé" qui a mis JM dans une situation assez embarrassante...

    Mais auparavant je dois vous fournir quelques précisions...
    Excusez-moi, cela risque de vous paraître un peu ennuyeux en cette période de vacances et de fêtes... soyez indulgents...

    Dans les Lycées d'Enseignement Professionnel, les professeurs de Lettres sont en principe "polyvalents"... Ils sont chargés  des enseignements de l'Histoire, de la Géographie, de la Législation du Travail et bien sûr du Français, la langue et la littérature... JM, en ses débuts trouvait cela aberrant... Comment transmettre correctement aux élèves des savoirs dans des disciplines que l'on connaît peu, ou même que l'on déteste !
    JM n'aimait pas la Géographie... et la Législation du Travail était la mystérieuse inconnue... S'il n'a jamais vraiment changé en ce qui concerne la Géographie, il s'est pris sur le tard d'une véritable passion pour le Droit du travail... Il en a bien sûr tout oublié depuis, les choses vont tellement vite dans ce domaine... et devenu Chef d'Etablissement (puis retraité) il n'a guère eu le temps (ni le goût) de se tenir informé  dans un secteur aussi pointu...
    L'enseignement du Français comporte des exercices variés : Orthographe, Grammaire, Rédaction, étude de textes...
    L'étude de textes se décomposait en Explication  et ce que l'on appelait la Lecture Suivie
    Cette dernière activité consistait à découper en séances de lecture un ouvrage (roman, pièce de théâtre...) et à faire lire les principaux passages par les élèves, chacun possédant le livre en question. A voix haute. Les questions, les problèmes soulevés par l'oeuvre faisant l'objet de discussions...  La lecture de l'essentiel du livre pouvait s'étaler sur plusieurs semaines (avec, à la fin de chaque séance, un bref résumé rédigé par les élèves)
    Banal, me direz-vous mais JM a toujours trouvé cela fort enrichissant et dès les débuts il a été étonné par le plaisir, la joie des élèves (pourtant réputés "difficiles" et rebelles à l'enseignement des "belles lettres") devant la découverte d'oeuvres parfois ardues...
    Nous reparlerons de certaines de ces expériences...
    Fini ce long préambule, ce dur pensum !
    venons-en à l'histoire promise...

    Une classe de terminale dans un Lycée du secteur tertiaire donc avec un public en grande  majorité féminin.
    L'oeuvre choisie par JM : "la Tête des autres" de Marcel Aymé...
    Il aimait l'auteur et le sujet : la Justice et la peine de mort (en 1967, il n'était pas encore officiellement question de son abolition).

    Voici brièvement résumé l'essentiel de l'intrigue : le procureur Maillard fort content de lui même vient d'avoir la  satisfaction d'obtenir la condamnation à mort d'un jeune musicien de Jazz, Jacques  Valorin accusé de meurtre. Rentré chez lui, ses amis (dont un autre procureur, Bertolier, et sa femme) le félicitent très chaleureusement. Mais au cours des festivités le condamné qui a réussi à s'évader vient apporter au procureur la preuve de son innocence  ! Une preuve particulièrement compromettante pour le procureur qui a une maîtresse et qui veut étouffer l'affaire. Le condamné exerce un puissant chantage et s'installe de force au domicile de Maillard jusqu'à ce que ce dernier le fasse réhabiliter...
    Les jours passent...

    Avec une pièce de théâtre, le découpage du texte est tout fait (il suffit d'élaguer quelque peu, le moins possible)  et les élèves participent activement en choisissant le rôle dont ils veulent lire les répliques.





    Ce jour-là, JM était préoccupé et certainement un peu somnolent. Les rires des élèves qui réagissaient fort bien aux phrases percutantes et souvent féroces ne parvenaient pas à le sortir de son apathie...
    Assis à son bureau, il lui tout semblait que tout se déroulait normalement... Il n'avait pas vraiment à intervenir...
    Si vous ne connaissez pas la pièce, je ne peux que vous recommander d'aller vite acquérir le livre, vous ne le regretterez pas... la peine de mort est abolie ? pas partout... Et les errements d'une certaine justice, la corruption, la vénalité, les ambitions personnelles sont hélas toujours d'actualité.
    Dans la pièce, à l'acte II, scène 4, les épouses des procureurs, Roberte Bertolier et Julette Maillard, se disputent les faveurs du jeune et beau Valorin...

    JM qui ne suit que très vaguement est soudain  surpris par un silence bizarre et quelques rires vite étouffés...
    Il s'inquiéte, s'interroge, s'enquiert de l'endroit où la lecture s'est arrêtée. Les rires deviennent de plus en plus forts. JM jette un coup d'oeil à la page en question et il découvre ces répliques :

    "Roberte : Vous paraissez très éprise de Valorin, ma pauvre Juliette... Avez-vous cru sérieusement qu'il pouvait être amoureux de vous ?
    Juliette : Cette idée semble vous gêner beaucoup...
    Roberte : S'il restait un peu de jugement dans votre pauvre tête, vous réfléchiriez que cet homme a été enfermé pendant plusieurs mois, qu'il a besoin d'une femme et qu'il se jette sur la première venue
    Julliette : Oh !
    Roberte : Un officier me confiait l'autre jour que dans dans le bled tunisien où ils sont privés de toute présence féminine, les soldats se rattrapent sur les mules. C'est d'ailleurs une chose que j'aimerais bien voir..."

    Nom de Zeus !
    Pauvre JM... la honte !
    Il s'était bien promis de ne pas faire lire cette scène !

    trop tard ! le mal est fait !
    Que faire ? pas grand-chose sinon rire avec les rieurs, pardon, les rieuses...
    mais reste une certaine angoisse...
    et si le proviseur était entré ou avait entendu, depuis le couloir, les éclats de rire...
    et si l'inspecteur...
    et puis "cette histoire va faire le tour du bahut..."

    Cela vous paraît aujourd'hui dérisoire...
    depuis on a vu, lu , entendu tellement pire !

    à l'époque, mai 68 n'était pas passé par là... 
    JM avait quelques bonnes raisons de se faire du souci...







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