• Ma Vénus... et celle de Mérimée

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    Ma Vénus et celle de Mérimée

     

    Il faut que je vous confie les craintes qui étaient les miennes en m’installant au Collège d’Ille…
    Tout aurait dû aller pour le mieux. Premier poste après deux concours et de nombreux stages… Elément déterminant pour la nomination : un classement d’entrée plutôt moyen… Et, surprise, à la sortie un poste au pays du soleil ! Je connaissais et j’aimais la Catalogne… depuis plus de vingt ans j’ai une maison en  « Catalogne du Sud " de l’autre côté des Pyrénées, dans l'Alt Emporda… Mais les semaines ou les mois de vacances ne saurait constituer un droit quelconque à la « naturalisation ». Moi, Aveyronnais d’origine, résidant dans l’Hérault, je ne pouvais être qu’un gavatx (le x se prononce che… donc,  d’après les conseils éclairés d’une amie chère, il faut dire gabatch...) Petite ville, collège de moyenne importance… les enseignants et le personnel administratif doivent être presque tous des gens du coin… j’ajoute que l’adjoint que je remplace (promu dans un établissement plus important) était un bon, un vrai Catalan.
    Et j’allais devoir exercer là une fonction d’autorité…
    Et puis la rentrée se passe à merveille… les problèmes sont peu nombreux. Mon prédécesseur avait bien fait les choses, les emplois du temps des professeurs et des classes étaient fort convenables et je dus y apporter peu de modifications… Il n’y eut guère de récriminations…
    Mes visites à la salle des profs furent rapidement empreintes d’une certaine cordialité car tout le monde savait que j’avais été moi-même enseignant pendant très (trop) longtemps… Très vite je proclamais haut et fort « Les Catalans sont de braves gens ! »… Ils faisaient tout pour ma faciliter la tâche et ils étaient tous de grands professionnels, devenus enseignants par vocation, sérieux et aimant les élèves.
    Mais… un matin, je crus avoir commis un grave impair… Discutant avec deux ou trois profs de Lettres, je pose la question bête (bête puisque je connaissais déjà la réponse)… « Ille-sur-Têt, c’est bien ici, cette ville dont il est question dans  « la Vénus d’Ille  de Prosper Mérimée ? ». Je m’attendais à des réactions enthousiastes et je n’eus droit en guise de réponse qu’à des « oui », un peu gênés, m’a-t-il semblé sur le moment et personne ne donne l’impression de vouloir insister sur le sujet… Je ne comprends pas… la récréation se termine… On se sépare… Quelques heures plus tard une de mes interlocutrices du matin vient à moi et m’explique… « Ici, nous n’aimons pas trop Mérimée… Quand il est venu inspecter dans la région (il était Inspecteur Général des Monuments Historiques et des Antiquités Nationales), il a prétendu avoir été fort mal accueilli et dans sa nouvelle il exerce  une sorte de vengeance en ridiculisant les gens du coin, plutôt républicains  et surtout une certaine bourgeoisie qui se targuait de connaissances scientifiques et faisait étalage de sa culture en commettant des erreurs grossières, en avançant des interprétations hasardeuses, comme son Monsieur de Peyrehorade… ». Je n’en reviens pas, je n’avais ressenti rien de semblable au cours de  mes nombreuses lectures de ce texte magnifique… Constatant mon désarroi la chère collègue ajoute aussitôt avec un clin d’œil « Tu sais (ah ce tutoiement imprévu, quel délice pour mon âme soudain apaisée !), on t’a déjà à la bonne sinon tu aurais eu droit à des remarques  plutôt désobligeantes du genre « tu n’as qu’à relire la première page de la Vénus et tu verras bien si c’est la bonne ville d’Ille…  ou… « c’est bien d’un gavatx ce genre de question » Mais ne crains rien, nous savons qu’il s’agit d’un chef d’œuvre et nous n’en privons naturellement pas nos élèves, bien au contraire… »
    Le soir même je me lançai dans la nième lecture du chef d’œuvre en question avec, à l’esprit un fil conducteur différent de celui que j’avais lors de mes précédentes incursions dans ce monde enchanté… et je pus constater que l’ironie de notre écrivain transparaissait souvent, donnant quelque peu raison à mes chers professeurs de Lettres du Collège d’Ille-sur-Têt…
     
    Je vous en souhaite bonne lecture, à votre tour… voici un avant-goût…
    En attendant, je vous laisse admirer l’œuvre d’un enfant du pays : le sculpteur
    Aristide Maillol…
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    à suivre

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