éloge du balai et de sa sorcière...
discours de candidature à l'Académie des Investigations Occultes et autres Mystères
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers...
Comme de longs échos qui de loin se confondent,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent...
Baudelaire - Les fleurs du mal
Cet article est un peu long mais vous en aurez pour un bon week-end pluvieux...
Mais s'il fait beau chez nous, objecterez-vous ?
plusieurs solutions se présentent :
cherchez à une certaine distance de votre lieu de résidence et vous trouverez à coup sûr quelques nuages
en activité et particulièrement accueillants
rangez ce précieux document dans votre coffre-fort et reportez sa lecture à une date
ultérieure
et...
il suffit, on n'est pas là pour ça !
Je ne vous ferai pas plus avant l'injure de supposer que vous êtes à court d'imagination...
Au cours d'une récente promenade dans la campagne avec mes petits-enfants, passant près d'un petit bois de
pins, nous avons fait une découverte fort intéressante...
J'avais, il y a fort longtemps déjà, rencontré ce phénomène dans le parc de la magnifique bambouseraie de
Prafrance (Anduze, Gard - à visiter sans faute...)
Je vous livre ici des réflexions d'une grande portée philosophique, scientifique, littéraire, artistique et
tout et tout... que cette rencontre a suscitées dans mon cerveau en ébullition...
Sorciers et sorcières faisaient partie d'une espèce d'individus bien particulière.
Des gens suspects, accusés tout au long de l'Histoire de tant de maux qu'on n'avait rien trouvé de mieux que le
bûcher pour s'en débarrasser... après maintes gesticulations d'une certaine justice et ses raffinements indicibles.
Rassurez-vous je n'ai pas surpris les réjouissances sulfureuses d'un quelconque sabbat...
Si la malédiction persiste aujourd'hui encore, ils se sont entourés de mystère et préfèrent se
cacher...
Mais leurs traces parfois apparaissent sous des formes étranges :
Les Balais de Sorcière.
Conformément à ce que véhicule depuis des siècles l'imagerie populaire, voici, j'en suis sûr, l'évocation qui
surgit immédiatement dans votre esprit : la sorcière chevauchant son balai, instrument que vous pouvez trouver chez les bons commerçants spécialisés.
La dame est en général fort laide, avec le nez crochu, du poil au menton et d'autres attributs dissimulés sous
des vêtements peu seyants
Bon, c'est vrai il y des tableaux plus réjouissants, une belle sorcière péparant potions ou
philtres et de fort belles images...
Ce tableau peint aux alentours de 1470 est signé par le "Niederrheinischer Meister" ou Maître du Bas-Rhin
et traditionnellement intitulé "Liebeszauber", l'amour magique, première peinture qui représente de façon clairement érotique une jeune et séduisante sorcière.
d'autres nous sont dévoilées participant à des ballets étranges autour de chaudrons plus ou moins magiques...
dans une heureuse homonymie...
à balai, ballet et demi...
Hiéronymus Bosch passe joyeusement de sordides sabbats
gravure sur bois du moyenâgeuse
au jardin des délices
Mais il y a balai et ballet...
J'ai même découvert le mot "balais", adjectif invariable désignant un rubis de nuance rose ou
violette. (un rubis balais).
J'ai gardé le souvenir d'un responsable de la hérarchie administrative (je ne préciserai pas davantage afin de
ne fâcher personne) qui répondait à ce doux patronyme.
M. Balai, un personnage tellement attachant que ses collaborateurs indiquaient toujours qu'il portait bien son
nom, puisque, selon une expression populaire, il était "con comme un balai"... ou plus simplement, (je suis un peu dur de la feuille), "comme un balai"... mais j'ai tendance à croire que c'était
la première version qui prévalait dans leur esprit.
Il est temps de passer aux choses sérieuses...
Après la magie, un peu de botanique
voici ce que proposent nos encyclopédies en ligne préférées :
Epinettes et pins gris sont frappés d'une maladie appelée « le balai de la sorcière » qui peut être causée par
une toute petite plante parasite, en fait un champignon qui perturbe la croissance de l'arbre. Ce sont les oiseaux qui en transportent les minuscules graines collantes sur leur
pattes.
Une fois fixé sur un arbre, elle sécrète une substance chimique qui pénètre dans le bois. Bientôt, une touffe
de brindilles très dense grossit sur des branches déformées. La maladie se propage et les excroissances prolifèrent sans que l'on puisse intervenir, tel un cancer dans le règne
animal.
On l'appelle aussi parfois "rouille". Elle est provoquée par le champignon Melampsorella caryophyllacearum qui
cause un développement excessif de rameaux à partir d'un même point sur une branche, formant ainsi un balai de sorcière. La rouille cause rarement la mort des arbres, mais peut induire un
ralentissement de la croissance.
La formation des balais chez d'autres conifères peut être aussi provoquée par le champignon Arceuthobium
pusillum. Ils peuvent atteindre jusqu'à trois mètres de diamètre et résultent d'une stimulation de la croissance au point d'infection par le parasite. Parmi les autres symptômes on constate
le renflement de la branche et l'écoulement de sève privant l'arbre d'éléments nutritifs et provoquant des malformations.
Les arbres ainsi parasités finissent par mourir.
Dans certaines régions, on ne badine pas avec les sorcières, on a même prévu des protections très
spéciales...
En pays catalan, par exemple, on construit des Espante Bruixes : des morceaux de tuiles fichées dans le pignon
des toits des maisons avaient pour vocation de chasser les maléfices des sorcières, d'où la traduction de "effraie sorcières". On les appelle aussi parfois, "cue de gall" (queue de coq, à cause
de la forme) ou perchoir à chouettes, "portat xot" (prononcer chot). Dans ce dernier cas, on veut s'attirer les bonnes grâces des sorcières en offrant un moyen de repos à leur oiseau de
prédilection...
Nous avons commencé ce long exposé avec Baudelaire...
Pourrait-on d'ailleurs mieux en finir avec les sorcières qu'avec les mots du poète des Fleurs du mal ?
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?
Dis, connais-tu l'irrémissible ?
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,
A qui notre coeur sert de cible ?
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?